Chronique paysanne, Chroniques

Le colombier

Les méandres de la Gaube, ce ruisseau qui se faufile et se partage pour alimenter les rouages du moulin, les lavoirs et les abreuvoirs, nous conduit sur le chemin de Feugnes, mais, l’envie de faire un détour vers d’autres lieux plus sereins, nous entraîne sur des marécages, véritables paradis pour les grenouilles et les libellules. De très hauts peupliers entourés de cornouillers forment une barrière infranchissable qui nous oblige à faire demi-tour ; les passages, quelquefois difficiles, nous surprennent par le mystère enfouit dans cette atmosphère d’immobilité, du temps arrêté, où le paysage semble préservé de l’usure des saisons et des années.


Et puis, passée une garenne, à l’abri des regards, sur un léger promontoire se dessine un petit pigeonnier : de forme ronde, planté là, seul avec le bruit des martinets et des corneilles qui lui rendent encore le goût de paraître. De remarquables petites constructions, qui, aujourd’hui encore, font le charme de nos campagnes ; souvent accolées aux corps de ferme, pour en relever l’importance, mais parfois imposantes en plein milieu d’un champ.

Le pigeonnier, afin d’être vu, est construit de préférence sur une élévation, exposé au levant ou au midi, une lucarne de toit est généralement positionnée à l’abri des vents dominants et orientée à l’est, afin de profiter des premiers rayons de soleil. Les pigeonniers sont plus nombreux dans les régions céréalières ; il en existe dans le centre de la France, mais le Languedoc et le Périgord sont des territoires qui possèdent de très nombreux colombiers.

Jusqu’à la moitié du XIXème siècle, le pigeon tenait une place importante en tant que denrée alimentaire. Par ailleurs, l’apport d’un engrais produit par les fientes, appelé aussi colombine, est un intéressant amendement pour enrichir les terres, les vignes, les jardins potagers et les vergers. Cette production était une source de revenu non négligeable ; pour recueillir ce précieux terreau dans les meilleures conditions, le sol des pigeonniers était pavé et des trappes de nettoyage étaient percées au niveau des étages. Si la date de construction n’apparaît pas sur le fronton des pigeonniers, il est difficile de connaître l’époque de l’aménagement de ces édifices ; les plus anciens seraient du XIVème siècle, mais ceux que nous pouvons encore visiter, sont généralement plus récents.

Après l’abolition des privilèges, de nombreux colombiers seront construits. De ce fait, un grand nombre datent du XIXème siècle. Les modes et les styles varient selon les régions. De l’Agenais aux limites de la Dordogne, nous rencontrons des pigeonniers aux formes rondes, carrées, construits sur pilotis ou surmontés parfois d’une tour de guet ; tous seront munis d’un dispositif sur leur pourtour, pour défendre l’entrée aux rongeurs.


Ce petit patrimoine, qui aujourd’hui n’abrite plus aucun volatile, sommeille. Il mériterait d’être considéré dans un esprit logique de préservation, dans ce décor alliant l’élégance et le bon goût d’une époque aujourd’hui disparue.


Daniel Gallet – SLA n°652 – Février 2020